logo Wombat

couverture La Grande Solderie

PIERRE JOURDE

La Grande Solderie

Trois parodies

Trois hilarantes parodies signées Pierre Jourde


Et si, dans l’émission télévisée La Grande Librairie, aux côtés de Marie Boicussecq et Philippe Salers, Michel Klouelbecq comparait les saveurs des yaourts et des pâtées pour chien comme remèdes au suicide, tandis que Christine Ragot passait son temps à quitter le plateau en furie ? Les éclats de ces gloires littéraires parviendront-ils à entamer l’inoxydable flegme onctueux de François Tusnel ? Cela s’appellerait La Grande Librairie.

Et si, dans le film Alien, l’héroïne occupait la fonction de pédicure du bord, tandis que le commandant se préoccupait surtout de repasser son linge ? Même avec le renfort du chat et d’un stagiaire pour préparer le café, ces compétences suffiront-elles à combattre une race d’extraterrestres un chouïa agressive ? Cela s’appellerait Alein : le Mal de l’origine du retour.

Et si, dans le conte La Belle au bois dormant, le prince s’inquiétait de l’effet de sa coiffure, si la princesse se passionnait pour la forge et les enclumes, si les scènes étaient interrompues par une contrôleuse traquant le racisme, l’homophobie et la domination masculine ? Cela s’appellerait La Belle et l’Enclume.

Situations loufoques, répliques accablantes et scènes délirantes abondent dans ces trois jubilatoires parodies dialoguées, où l’écrivain iconoclaste Pierre Jourde dézingue façon puzzle icônes, poncifs et clichés avec un humour ravageur.


Parution : 6 octobre 2022

Couverture de Stéphane Trapier

« Les Insensés » n°48

Format 125 x 187 avec rabats

176 pages – 17 euros

ISBN : 978-2-37498-218-2


Ce livre existe aussi en e-book (formats ePub et PDF web)

Pierre Jourde

Écrivain et critique littéraire, Pierre Jourde a longtemps été professeur de littérature française à l’université. Il a publié une quarantaine de livres, dans tous les genres (poésie, essais, romans, satire littéraire, théorie de la littérature…), ainsi que des ouvrages avec divers artistes, et dirigé l’édition de Huysmans en Pléiade. Il a tenu une chronique sur le site culturel de L’Obs, Bibliobs. Parmi ses publications : Empailler le toréador (Corti, 1999), La Littérature sans estomac (L’Esprit des péninsules, 2002, prix de la critique de l’Académie française), Pays perdu (L’Esprit des péninsules, 2003), Festins secrets (L’Esprit des péninsules, 2005, prix Larbaud, prix Renaudot des lycéens, prix Thyde Monnier de la SGDL), Le Jourde & Naulleau (Mango, 2008), La Première Pierre (Gallimard, 2013, prix Jean Giono), La culture bouge encore (Hugo, 2016), Le Voyage du canapé-lit (Gallimard, 2019), La potiche a peur en rouge & cent autres fables express (Wombat, 2021), La Tyrannie vertueuse (Le Cherche-Midi, 2022), Croire en Dieu. Pourquoi ? (Gallimard, « Tracts », 2022).

Site : www.pierrejourde.fr


Les livres Pierre Jourde aux Nouvelles Éditions Wombat

La potiche a peur en rouge & cent autres fables express (plus d’infos)

Extrait

Extrait : « La grande solderie »


François Tusnel – Michel Klouelbecq, bonsoir à vous.

Michel Klouelbecq – ’soir…

F.T. – Je suis navré, mais vous savez que depuis assez longtemps maintenant on ne peut plus fumer sur les plateaux de télévision.

Michel Klouelbecq – Ah ouais ?

F.T. – Mais oui, mon cher Michel, je vais donc vous demander…

Michel Klouelbecq – C’pas un clopo.

F.T. – Pardon à vous ?

Michel Klouelbecq – Pas un clope. De la réglisse. C’est excellent pour la santé, la réglisse. Ça fait du bien à l’estomac. Ça guérit les aphtes. Pour l’haleine aussi, c’est bon. Quand on a éclusé trop de whisky, disons qu’un peu de réglisse, c’est pas mal. Je recommande aussi contre la constipation. La constipation est la maladie de la modernité. C’est le nouveau mal de l’Occident. Il n’arrive plus à se soulager des matières accumulées.

F.T. – Bien. Alors votre dernier roman, Métaphysique du mobile-home, raconte la lente descente aux enfers d’un trader, Michel Destouches. Le roman s’ouvre sur une longue analyse de l’univers de la finance internationale. Je vous cite : « Dans le premier quart du xxie siècle, le développement de nouvelles technologies de trading gonfla de manière exponentielle les bulles financières. Le développement du trading hyperfréquence par algorithmes descendit la vitesse des transactions à moins de 113 microsecondes et provoqua des flash krachs où s’engloutirent des centaines de milliards de dollars. L’économie devint une séquence ininterrompue d’opérations robotisées qui s’affranchirent définitivement de la réalité. La catastrophe se dématérialisa. » Au début du roman, Michel Destouches mène grand train, le succès le grise, il dépense des fortunes en fêtes somptueuses. On y rencontre le tout-Paris. Au fil des pages, on croise Jean-Pierre Pernaut, Bernard-Henri Lévy, Brigitte Macron, Jean-Pierre Foucault, Pascal Fioretto, Céline Dion, Alain Finkielkraut, Line Renaud, Cyril Hanouna, Félix Libris…

Michel Klouelbecq – J’aime bien Cyril Hanouna. C’est un esthète contrarié.

F.T. – Michel Destouches se lance dans une spéculation risquée et perd quarante milliards de dollars dans un flash krach. C’est à ce moment qu’intervient une crise de conscience…

Michel Klouelbecq – Oui. Ça se produit pendant qu’il se fait sucer…

F.T. – Durant une fellation…

Michel Klouelbecq – Durant une pipe, c’est ça. Michel est un véritable érudit : il possède la plus grande collection au monde de films pornos, y compris des cassettes vidéo. C’est un connaisseur raffiné, il aime se passer des chefs-d’œuvre de l’art du cul pendant qu’il se fait pomper le nœud. Son matériel préféré est un JVC BR-S811 E, un vrai matériel de pro. Dans cette scène, il regarde Coupe-toi les ongles et passe-moi le beurre, de Michel Baudricourt, un véritable incunable du film porno, sorti en 1984, avec Karine Gambier, qui est une actrice très fine, très sensitive.

F.T. – Et là, c’est l’illumination.

Michel Klouelbecq – Sous ses apparences scintillantes, Michel est le mâle hétérosexuel blanc standard, c’est-à-dire le terminus de l’évolution. Le produit d’un monde occidental épuisé. L’argent et les femmes lui servent à masquer son désespoir. Tout à coup, il comprend qu’il doit changer de vie. Il a trente-cinq ans déjà. La vieillesse et la déchéance ne vont pas tarder. Il perd ses cheveux et ses dents, sa peau se relâche, ses érections se raréfient.

F.T. – Au début, il hésite entre se suicider et prendre un chien.

Michel Klouelbecq – Il y a deux remèdes possibles au suicide. Je recommande le golden retriever, qui est un chien très affectueux. Si ça ne marche pas, des stations prolongées au rayon laitage de Carrefour.

F.T. – Comment ça ?

Klouelbecq – Ils ont un choix de yaourts incroyable. Vous avez déjà essayé les Petits Filous ?

F.T. – Ah non, je…

Michel Klouelbecq – Et les Paniers de fruits Yoplait… Il y a autant de nuances de saveurs dans les Paniers de fruits que dans une phrase de Proust.

F.T. – Je comprends.

Michel Klouelbecq – Et là, vous vous rendez compte que vous pourriez passer toute une vie à tester tous les produits laitiers existants. C’est inépuisable. On ne met pas assez en avant le laitage dans la prévention du suicide.

F.T. – Quoi qu’il en soit, Michel Destouches n’opte pas pour le chien. Il décide de tout abandonner et de quitter Paris. Il échoue d’abord dans une sorte de secte New Age dans le Gard…

Michel Klouelbecq – Oui. Ce sont des lieux intéressants. Ça grouille d’anciennes chercheuses au CNRS ou de business women qui cherchent à se ressourcer. Alors elles mangent des graines, elles font de la méditation, elles se baladent à poil dans la forêt. Il y en a de bien conservées, même si à leur âge, évidemment, elles ont les seins aux genoux. Et elles ont très envie de sexe. C’est normal, elles ont passé leur vie à travailler, elles comprennent tout à coup que c’est leur dernière chance de trouver un peu de plaisir avant la mort. Elles sont prêtes à tout pour ça.

F.T. – C’est l’occasion de nouvelles scènes d’amour…

Michel Klouelbecq – Les femmes désespérées font souvent bien les pipes, vous avez remarqué ?

F.T. – Eh bien je…

Michel Klouelbecq – C’est ce qui les rend si touchantes. En plus, elles ont souvent perdu leurs dents, alors de ce point de vue, c’est déjà une garantie de qualité…

Christine Ragot – Ah non, je ne peux pas entendre ça, ça je ne peux pas l’entendre, je ne peux pas, je préfère claquer la porte…

F.T. – Christine Ragot ? Mais… Vous étiez revenue ?…