Premier tome de l’anthologie des meilleures nouvelles de S. J. Perelman, L’il de l’idole regroupe vingt textes pour l’essentiel inédits où éclate le génie comique du grand humoriste américain. Perelman y fait feu de tout bois avec une drôlerie irrésistible qu’il narre ses hilarantes pérégrinations à Hollywood ou en Malaisie, se lance dans des considérations incongrues sur les moustachus ou les collectionneurs d’araignées, s’amuse à parodier les pulps anticommunistes, les tragédies existentielles de Dostoïevski ou les detective stories de Chandler.
Comme le dit dans la préface l’un de ses fervents admirateurs : « Il n’existe aucun écrivain comique comparable à S. J. Perelman. C’est aussi simple que ça. Ses écrits dépassent même ceux de Robert Benchley, qui était l’autre véritable grand auteur humoristique et son plus proche concurrent. Aucun écrivain actuel n’égale son sens du comique, sa folie inventive, son talent narratif et l’originalité éblouissante de ses dialogues » (Woody Allen).
Issu d’une famille juive d’origine russe de Brooklyn, Sydney Joseph Perelman (1904-1979) fut l’un des maîtres américains de l’absurde et du nonsense. Auteur de centaines de textes brefs et de plusieurs récits, il demeura l’un des piliers du New Yorker des années 1930 aux années 1970. Scénariste récompensé par un Oscar en 1956, il a notamment signé deux classiques des Marx Brothers : Monnaie de singe (1931) et Plumes de cheval (1932).
« J’ai commencé à le lire durant mon adolescence et il ne m’a jamais déçu. Chez tous les auteurs de comédie avec qui j’ai travaillé ou discuté au cours des ans, Perelman a toujours été une icône, le modèle le plus admiré, le génie comique le plus largement imité et le plus décourageant pour tout aspirant humoriste. Pour nombre d’entre nous, qui avons débuté il y a bien des années, il était impossible de ne pas tenter d’écrire comme lui, tant sa voix élégante nous dominait. » (Woody Allen, 2000)
« En cette époque où pullulent les humoristes, Perelman plane au-dessus de la mêlée. Monsieur Perelman... et c’est tout. Robert Benchley, celui qui lui ressemblait sans doute le plus, et Ring Lardner, qui ne ressemblait à personne, nous ont quittés, aussi demeure-t-il le seul. » (Dorothy Parker, 1959)
« Perelman manie la langue américaine à la manière d’un joueur de piccolo qui interpréterait l’hymne national. » (Kurt Vonnegut)
« L’écrivain le plus drôle des États-Unis depuis... lui-même. » (Gore Vidal)
“ Je m’engouffrai dans le couloir du sixième étage de l’immeuble Arbogast, passai devant « La Compagnie Mondiale de la Nouille », « Zwinger & Rumsey, comptables » et « Secrétariat d’élite Ronéotyper est notre spécialité ». L’inscription peinte sur verre poli de la porte voisine annonçait : « Agence de Détectives Atlas, Noonan & Driscoll », mais Snapper Driscoll s’était retiré deux ans plus tôt avec un pruneau de 38 mm entre les omoplates, cadeau d’un loquedu de Tacoma, et j’étais seul à la barre de ce qui restait du bateau. Je me traînai dans le vestibule minable qui nous servait à impressionner les clients et marmonnai quelques salutations matinales à Birdie Claflin.
Eh bien, on dirait que le chat vous a déposé sur le paillasson ! lâcha-t-elle.
Elle avait la langue agile. Elle avait aussi des yeux comme des lapis-lazuli poussiéreux, des cheveux caramel et une silhouette qui me faisait des trucs. D’un coup de pied, j’ouvris le tiroir du bas de son bureau et m’envoyai cinq centilitres de whisky derrière la cravate. Puis je déposai un bécot sur la bouche rouge et pulpeuse de Birdie et m’allumai une cigarette.
Je pourrais craquer pour toi, mon chou, dis-je doucement.
Elle avait le visage fermé et me surveillait du coin de l’il. Je regardai ses oreilles. J’aimais bien la manière dont elles étaient attachées à sa tête. Elles avaient quelque chose d’abouti. On voyait qu’elles étaient là pour toujours. Quand on est un privé, on aime que les choses restent à leur place.
Des clients ?
Une femme du nom de Sigrid Bjornsterne a dit qu’elle repasserait. Une belle plante.
Suédoise ?
C’est ce qu’elle veut faire croire.
D’un signe de tête, je lui indiquai que je me rendais dans le bureau du fond. Et je m’y rendis. Je me déchaussai, m’affalai sur le canapé et m’envoyai une rasade de la bouteille que je planquai au-dessous. Quatre minutes plus tard, une blonde cendrée avec des yeux de la couleur d’opales brutes, vêtue d’une robe noire Nettie Rosenstein toute simple et d’une étole en fourrure de martre, surgit dans la pièce. Essoufflée, elle respirait à pleins poumons, ce qui lui donnait encore meilleure allure. Elle fit le tour du bureau, à la recherche d’une cachette. Puis, ayant repéré l’armoire où je gardai ma réserve de bourbon, elle se précipita à l’intérieur. Je me levai et me dirigeai tranquillement vers le vestibule. Birdie était plongée dans ses mots croisés.
Tu as vu quelqu’un entrer ?
Non, dit-elle, les sourcils creusés par une ride soucieuse. Un mot en huit lettres pour problème ?
Suédoise, répondis-je en retournant dans le bureau. ”
Copyright 1944 by S.J. Perelman. Copyright © renewed 1972. Tous droits réservés.
« L’être humain le plus drôle que j’aurais connu de mon vivant, dans tous les médias
que ce soit le stand-up, la télévision, le théâtre, la prose ou les films
est S. J. Perelman. » (Woody Allen, « Les cinq livres qui vous ont le plus
influencé », The Guardian, 6 mai 2011).
« Cette vingtaine de textes inédits écrits entre 1930 et 1948, la plupart d’entre eux dans
le New Yorker, témoigne de sa formidable folie inventive de S.J. Perelman. Ça décoiffe, c’est
le moins qu’on puisse dire. Mais on avait sans doute oublié qu’on pouvait se montrer aussi drôle, aussi
corrosif et aussi inventif avec la langue à cette époque... On ne s’étonnera pas de l’enthousiasme
de Woody Allen pour ce maître de l’absurde et du non-sens. » (Lucie Cauwe, Le Soir)
« L’il de l’idole regroupe vingt nouvelles du désopilant S. J. Perelman, qui collabora
notamment à deux des films des Marx Brothers. Faisant preuve d’une hilarante vacherie, S. J. Perelman donne
raison à Arthur Koestler quand ce dernier affirmait que l’humour contient toujours un grain de sadisme. Il
était aussi capable de fulgurantes trouvailles d’écriture, et ses parodies de Dostoïevski et de
Chandler sont des classiques. » (Phil Casoar, Fluide glacial)
« Un style inimitable, paradigme exquis de non-sens et d’humour pince-sans-rire. Remercions donc les
éditions Wombat qui nous permettent de redécouvrir ce roi de l’absurde ironique. On recommandera en
particulier dans ce recueil l’hilarante vision de la menace bolchevique (Les termites rouges) et celle,
cauchemardesque, d’Hollywood (L’ambition fait le larron). » (Xavier Leherpeur, Studio)
« Malgré leur précocité, ces premiers textes imposent déjà l’humour
renversant d’un écrivain prolifique, ambassadeur de ce ton juif new-yorkais qui marquera autant Harvey Kurtzman,
Donald Westlake, que Woody Allen, inconditionnel de Perelman dont il loue, en préface, le pouvoir comique sans
égal. » (Mikaël Demets, blog L’Accoudoir)
« Humour noir, cynisme et un rien de non-sens, les Américains font tout en grand, même le
génie. Sydney Joseph est certainement l’écrivain le plus drôle de sa génération.
Dommage que ce ne soit pas la nôtre ! » (Stéphanie des Horts, Service littéraire)
« Impossible de se plonger dans le délirant L’il de l’idole sans voir
sa lecture interrompue par de fréquents éclats de rire. Perelman ne recule devant aucune bouffonnerie
pour réveiller les muscles zygomatiques de ses lecteurs. » (Alexis Libaert, Marianne)